Comme son pendant, le panneau représentant sainte Scholastique, ce vitrail provient de l’église abbatiale cistercienne de la Fille-Dieu à Romont. Il fait partie d’un lot de trois panneaux figuratifs ayant été vendus en 1899 au Musée d’histoire de Berne suite à la restauration de l’église en 1875 (Beer, 1965, p. 197-198; Trümpler, 1997, p. 16). Les trois vitraux étaient dédiés respectivement à saint Benoît, saint Bernard et sainte Scholastique. Les armoiries figurant aux pieds de la sainte font référence à la donatrice des trois panneaux. Les chercheurs (cf. Beer, 1965, p. 198) supposent qu’il s’agit de la duchesse Yolande de France, sœur du roi Louis XI de France. La duchesse séjourna à Romont en 1469 avec son mari Amédée IX de Savoie, seigneur de la ville. La donation et la réalisation des vitraux du chœur de l’église coïncident certainement avec cette date. La Maison de Savoie entretenait depuis longtemps des liens privilégiés avec l’ordre cistercien (Bujard, 1993, p. 102). Des indices archéologiques, structurels et iconographiques ont permis à Stefan Trümpler de proposer un essai de reconstitution du vitrail que constituaient ces trois panneaux (Trümpler, 1997, p. 18, Trümpler, 2006, p. 85): saint Benoît (à gauche) et sainte Scholastique (à droite) flanquent saint Bernard, lui-même surmonté d’une Crucifixion. Saint Benoît de Nursie, né vers 480-490 et décédé vers 550-560 en Italie, est le fondateur de l’ordre des Bénédictins, à partir duquel se développera l’ordre cistercien avec la fondation de l’abbaye de Cîteaux par Robert de Molesme en 1098. Bernard de Clairvaux, figurant sur le panneau central conservé au Musée d’histoire de Berne, est considéré comme le maître spirituel de l’ordre cistercien. Sainte Scholastique quant à elle, soeur jumelle de saint Benoît, est la fondatrice de l’ordre des Bénédictines. Par le choix iconographique et en leur qualité de donation royale, il est probable que ces panneaux proviennent de la grande fenêtre du sanctuaire (dans le choeur). Cette hypothèse est appuyée par l’analyse archéologique des embrasures (Trümpler, 1997, p. 17).
En l’absence de sources écrites ou d’une signature, l’auteur du vitrail n’a pu être identifié avec certitude (cf. Beer, 1965, p. 199). Stefan Trümpler attribue les panneaux à un verrier bâlois (Trümpler, 1997, p. 16; Trümpler, 2006, p. 85). L’état de conservation des panneaux éclipse quelque peu l’exécution soignée. Certains verres ne sont pas d’origine et plusieurs plombs de casse sont venus consolider les panneaux. Des oxydations sur la couche supérieure du verre, engendrées par l’humidité et probablement des champignons, provoquent des altérations brunâtres difficiles à restaurer et s’attaquant également à la grisaille (cf. Trümpler, 2006, p. 85).
Les bandes latérales de part et d’autre du panneau représentant saint Benoît ont été ajoutées ultérieurement, mais sont composés de fragments de vitraux anciens (Beer, 1965, p. 197). Les lacs d’amour, insignes de la Maison de Savoie (voir N°inv. 198) appuie l’hypothèse selon laquelle la commanditaire du vitrail est Yolande de France, épouse d’Amédée IX de Savoie.