Avec ses verres lisses et réguliers dépourvus de corrosion, ce vitrail a été catalogué par Deonna (1938, p. 10) comme une imitation du XIXe siècle d’un panneau du Moyen Âge. Dans les années 1980, une étude technique de la composition des verres et des grisailles a cependant permis de relever que les principales pièces (Vierge à l’Enfant, sol bleu et une partie des éléments architecturaux supérieurs) qui constituent le panneau sont des éléments médiévaux de grande qualité, auxquels un restaurateur du XIXe siècle a habilement ajouté des verres modernes (essentiellement les éléments du décor) (Loche, 1982, p. 172). Si les personnages et le sol semblent appartenir au même ensemble, les éléments architecturaux pourraient provenir d’un autre vitrail (Loche, 1982, p. 172). Comme c’est le cas pour de nombreuses verrières, l’absence de couches de corrosion et l’aspect poli des verres sont dus à des interventions de nettoyage et de ponçage courantes aux XIXe et XXe siècles (Schweizer, 1985, p. 126 ; cf. BE_1475, Technique/Etat).
Lapaire (cité dans Schweizer, 1985, p. 126) a suggéré d’attribuer d’un point de vue stylistique certaines parties du vitrail au peintre verrier strasbourgeois Peter Hemmel von Andlau, actif entre 1462 et 1501. Alors que de nombreuses verrières d’Alsace et du sud de l’Allemagne ont été estimées de la main du maître verrier (cf Wentzel, 1954, p. 63-71 et Frankl, 1956), ces attributions ont depuis été largement reconsidérées en raison du rôle important joué par plusieurs ateliers indépendants aux alentours de Strasbourg à la fin du XVe siècle (Becksmann, 1986, p. 257-316 ; Scholz, 2002, p. 69-70 et p. 388). En l’état actuel des connaissances, le présent panneau peut ainsi être rapproché des productions de l’un de ces ateliers qui évoluait en Alsace ou dans le sud de l’Allemagne aux alentours de 1490-1500 (Loche, 1982, p. 168).
Plusieurs vitraux exécutés à la même époque dans la même aire géographique et représentant de manière similaire la Vierge à l’Enfant sont aujourd’hui attribués à des ateliers proches du cercle de Peter Hemmel. Il s’agit par exemple du panneau de 1475 de l’église Saint-Amandus à Bad Urach (Frankl, 1956, n° 50), de celui daté vers 1479 de la collégiale de Tübingen (Becksmann, 1986, p. 307, fig. 221, ill. 394) ou encore de celui commandé vers 1485 pour le choeur de l’église Saint-Laurent à Nuremberg (Funk, 1995, p. 56-57).
Une verrière du choeur de la cathédrale de Berne datée vers 1500 (Kurmann-Schwarz, 1998, p. 400-401, fig. 32, ill. 253) est également analogue au présent panneau. Elle a été rapprochée par Kurmann-Schwarz (1998, p. 395-396), en raison des traits du visage des personnages, des oeuvres des maîtres dits “Nelkenmeister”, actifs en Suisse entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle. Tout comme le vitrail bernois (BE_1234) de l’église de Kirchberg, il pourrait avoir été exécuté par un atelier non identifié, appelé “atelier de Bubenberg” par Kurmann-Schwarz (1998, p. 373-74, 401-414) d’après l’ensemble que leur a commandé la famille Bubenberg à la cathédrale de Berne vers 1500.
La verrière a été acquise par Gustave Revilliod vers 1884 et a longtemps été présentée dans les fenêtres du Musée Ariana, probablement jusque vers 1940.
Cité dans :
Sidler, 1905, p. 103, n° 86.
Deonna, 1938, p. 10, n° 11.
Loche, 1982, p. 168-173, n° 74.
Schweizer, 1985, p. 126.