Ce vitrail a été réalisé en 1949 par l’artiste Paul Monnier et l’atelier Chiara de Lausanne, pour la nef de l’église de Villars-le-Terroir.
En 1938-1939, une première rénovation du choeur est entreprise par l'architecte fribourgeois Fernand Dumas, en collaboration avec les artistes du Groupe de Saint-Luc Gaston Faravel, Gaston Thévoz et Marcel Feuillat. Elle donne lieu à la réalisation du retable, comprenant un vitrail en son centre, et de quatre verrières ornementales de Thévoz dans le choeur, tandis que Faravel conçoit un vitrail dans la sacristie. En 1947, à l’occasion du centenaire de la paroisse, une nouvelle campagne de travaux est prévue à l’église, comprenant la création de quatre nouveaux vitraux (Pittet, [2020], p. 118). Suite aux dons généreux des paroissiens et sociétés locales (Pittet, [2020], p. 91), il semble qu’il ait finalement été possible de remplacer tous les vitraux de la nef (nous savons grâce à une photo ancienne montrant l’intérieur de l’église avant 1938 que celle-ci était garnie de verrières, probablement ornementales) (Pittet, [2020], p. 101]. Les archives paroissiales relatives à cette période ayant disparu, les circonstances de la réalisation de ce cycle de dix grands vitraux de la nef par Monnier, daté de 1949, demeurent inconnues.
Ces dix vitraux présentent une iconographie complexe que l’artiste illustre à travers une mise en scène très bien construite et une riche palette de coloris. Le cycle va de l’Ancien au Nouveau testament, en commençant avec le deuxième vitrail situé à gauche de la nef, illustrant la Création du monde, de l’Homme et de la Femme, puis se poursuivant en direction du choeur jusqu’à la Visitation. La lecture reprend à droite de la nef en direction de la tribune avec la Nativité et l’arrivée des Mages à Bethléem pour s’achever avec la Transfiguration et Pierre prêchant aux peuples du monde. Il est complété, au niveau de la tribune, par la représentation de la statue de Notre-Dame de Lausanne et du Roi David, côté nord-ouest, et de l’Agneau sur le livre aux sept sceaux avec les symboles des Évangélistes, côté sud-est. Nous ignorons si l’artiste a reçu des directives précises concernant les scènes à représenter, mais l’on peut supposer que cela a été le cas, à l’instar d’un cycle comparable par son ampleur et sa complexité, celui de Haute-Nendaz (1946) (par exemple GSL_373 ; GSL_374), pour lequel l’artiste avait travaillé sous la supervision du chanoine Marcel Michelet, docteur en philosophie et théologie (Germanier, 2000, p. 13-14).
Par rapport aux autres vitraux qui suivent tous un schéma identique avec deux scènes narratives superposées ressortant sur un fond ornemental géométrique composé de verres pâles, ce vitrail constitue une exception. Coupé en deux par la tribune, Monnier ne peut créer d’unité visuelle entre les parties inférieure et supérieure. Il opte donc pour un autre type de composition, faisant tout de même visuellement le lien avec le reste des vitraux de la nef par la présence d’une bordure similaire, ornée de motifs de pierres précieuses. En haut, il représente le Roi David et, en bas, la statue de la Vierge qui se trouve à l’église Notre-Dame de Lausanne.
Première église catholique construite à Lausanne depuis la Réforme, elle constitue un symbole fort pour cette paroisse du canton de Vaud (Secrétan, 2005, p. 121-124). De plus, Monnier connaît bien l’édifice, où il a probablement assisté l’artiste toscan Gino Severini à la réalisation de ses peintures murales en 1933-1934 (Biographie. Le retour, s.d.). L’artiste y propose un joli clin d’oeil à Severini, en représentant, derrière la statue au premier plan, une vue de la ville de nuit, avec la tour Bel-Air à gauche et la cathédrale de Lausanne à droite, paraphrasant le Toscan dans sa peinture murale de l’abside, lui qui avait également fait figurer ces deux édifices dans son oeuvre, symboles de la ville moderne et de la Cité médiévale, de la vie profane et de la vie religieuse.
Comme à son habitude, l’artiste collabore pour ce cycle avec l’atelier Chiara de Lausanne, travail d’équipe dont le vitrail de Pierre prêchant aux peuples rend compte, en indiquant les noms de trois verriers de l’atelier lausannois : André Stein, Charles Buhlmann et Georges Gamon. Il est rare de voir figurer une telle dédicace aux employés de l’atelier sur des vitraux, ce qui prouve toute la valeur que l’artiste accordait à une telle collaboration. On retrouve une dédicace similaire sur l’une des verrières du cycle de Haute-Nendaz (GSL_377). Les vitraux de Villars-le-Terroir lui offrent aussi l’occasion de rendre hommage à ses trois enfants et à son épouse, dont les prénoms (Claude, Françoise, Jo et Bruno) figurent sur les verrières, à côté de sa signature. Cette intégration des noms de membres de la famille dans un vitrail constitue également une rareté.