Name

Eglise Sainte-Croix

Adresse
Place du Marché
1227 Carouge
Geografische Hierarchie
Koordinaten (WGS 84)
AutorIn und Datum des Eintrags
Valérie Sauterel 2008; Camille Noverraz 2024
Informationen zum Gebäude / zur Institution

En 1771, l'évêque d'Annecy demande à ce que Carouge soit dotée d'une église, la cité étant alors propriété du royaume de Savoie (Zumkeller, 2011). Les plans sont confiés par le roi Charles-Emmanuel III à l'architecte et ingénieur Francesco Garella, qui les présente à son fils et successeur Victor Amédée III en 1775, sans retenir son attention. Le roi préfère charger l’architecte Giovanni Battista Piacenza de la construction, qui est menée entre 1777 et 1780, non sans difficultés. En raison des frais engendrés par des travaux supplémentaires liés à la qualité du terrain, seule une partie correspondant au choeur de l'église sur le projet de Piacenza peut être menée à bien. L'église ayant été remaniée deux fois au XIXème siècle et au XXème, il ne reste de l'édifice imaginé par Piacenza que la nef actuelle (Chaillot-Calame, 2001, p. 130-132).
Très rapidement, un agrandissement s'avère nécessaire face à l'accroissement de la population catholique. Plusieurs architectes proposent des plans, mais le projet est retardé par la Révolution, et ce n'est qu'une fois l'édifice rendu au culte catholique en 1803, très abîmé, que les discussions reprennent. Entrepris entre 1824 et 1826, les travaux sont confiés à l'architecte Luigi Bagutti, qui confère à l'édifice son aspect actuel. La superficie au sol est doublée, l'orientation modifiée et l'enveloppe extérieure entièrement refaite, tandis que la sobriété de la décoration contraste radicalement avec l'esthétique de Piacenza (Chaillot-Calame, 2001, p. 133-134).

Durant la période du Kulturkampf, les catholiques romains refusant la nationalisation de leur Église se voient retirer le droit d'utiliser Sainte-Croix et plusieurs rapports mettent en évidence l'urgence de procéder à différents travaux de réparation. En 1921, l'édifice est enfin rendu aux catholiques romains, mais dans un tel état de délabrement qu'on envisage sa démolition. Des voix s'élèvent contre cette solution, notamment celle de l'artiste Alexandre Cingria (Chaillot-Calame, 2001, p. 136-138), fervent catholique et membre fondateur du Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice, né deux ans plus tôt (Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice, 1920). Pour la rénovation, on fait appel à l'architecte genevois Adolphe Guyonnet, rendu célèbre par la construction de l'église Saint-Paul de Cologny en 1915 (Poiatti, 2001) et lui-même membre du Groupe de Saint-Luc.
L’article de Cingria intitulé “Comment restaurer l’église de Carouge”, paru en septembre 1921, sert probablement de ligne de base pour l’établissement du programme décoratif de l’église, accordant une place centrale à la mise en valeur de la latinité du sanctuaire, notamment par la préservation du pavement rouge et des stucs (Rudaz, 1998, p. 65, 114-116 ; Cingria, 1921). Dans cet article, l’artiste prévoit déjà la réalisation de deux vitraux pour le transept, et suggère celle d’une décoration murale en mosaïque ou peinture pour l’abside et la voûte du choeur, pour laquelle Maurice Denis a été envisagé. Mais une lettre adressée à l’abbé de Sainte-Croix, le curé Vuachet, par le vicaire général de Genève, Mgr Eugène Petite, indique que ce dernier s’y est opposé, s’offusquant que l’on puisse confier à un artiste étranger déjà fortuné une telle décoration alors même que les peintres du pays peinent à survivre. L’artiste de renommée internationale aurait ainsi pu concevoir une nouvelle oeuvre dans le canton de Genève après celle de Saint-Paul de Grange-Canal (Rudaz, 1998, p. 65-66).

L'abbé Vuachet se charge de réunir les sommes nécessaires au financement des travaux, qui sont répartis en trois étapes principales en fonction de leur urgence, la dernière comprenant la décoration. Démarrés en 1922, ils sont achevés une année plus tard. Guyonnet conserve le bâtiment existant et harmonise les différentes époques qui s'y croisent, mettant en valeur ses origines italianisantes et son style néo-palladien. A l'intérieur, il reprend intégralement la décoration, équilibrant la partie ancienne de Piacenza avec l'agrandissement de Bagutti (Chaillot-Calame, 2001, p. 139-140).
Cingria est chargé de la réalisation du cycle des verrières ornant l'édifice, pour lesquelles il développe une iconographie très originale servie par un style moderne. Ses premiers vitraux créent la polémique lors de leur pose en 1924, notamment avec le vicaire général, Mgr Eugène Petite (Rudaz, 1998, p. 78-80). Si ce dernier reconnaît les talents de coloriste de l’artiste genevois et approuve ses vitraux lorsqu’il ne s’agit que de simples mosaïques de couleurs, il prend une décision radicale en interdisant à l'artiste de réaliser des verrières comportant des figures humaines (Petite, 1927). Cingria devra composer avec cette contrainte pour les quatre grands vitraux de la nef, réalisés en 1928-1929, représentant des vues des lieux de la Légende de la Vraie croix. Deux verrières d'Eugène Dunand complètent le cycle.

Entre 1973 et 1975, une nouvelle rénovation est menée à l'intérieur de l'église par le bureau Ernest Martin & Associés, afin de l'adapter aux nouvelles conceptions liturgiques suite au Concile de Vatican II. Le choeur est profondément remanié, la polychromie de 1926 éliminée, et, dans le transept, deux autels désaffectés sont détruits ainsi que la chaire. Le tambour d’entrée et le parvis sont agrandis et les orgues sont restaurées. Afin de rendre sa clarté à l'édifice, une partie des vitraux est déposée, dont les quatre conçus par Cingria dans la nef, qui trouveront une nouvelle place en 1977 dans la chapelle de la paroisse Sainte-Marie-du-Peuple à Châtelaine, construite par Jacques Vicari et Werner Francesco (Poiatti, 2008, p. 125 ; Chaillot-Calame, 2001, p. 140-141).

Literatur

Baertschi, P. et Schmid, I. (1989). Carouge, Ville nouvelle du XVIIIe siècle: étude et textes : relevé 1986-1987 (Architecture et sites genevois, vol. 2). Genève, Suisse : Département des travaux publics / Service des monuments et sites.

Chaillot-Calame, B. (2001). Église Sainte-Croix. Dans J.-M. Marquis (dir.), Urbanisme et architecture à Carouge (dictionnaire carougeois, tome IIIa, p. 130-141). Carouge, Suisse : Ville de Carouge.

Cingria, A. (1921, 11 septembre). Comment restaurer l'église de Carouge ?. Courrier de Genève.

Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice. (1920). Catalogue illustré des travaux exécutés par les membres du Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice. Genève, Suisse : [s.n.].

Petite, E. (1927, 24 janvier). [Lettre à Mgr Marius Besson]. Archives du vicariat de Genève (AVG), Suisse.

Poiatti, M. (2001). L’église de Saint-Paul Grange-Canal, Genève (Guides de monuments suisses, 70, 696). Berne : Société d’histoire de l’art en Suisse.

Poiatti, M. (2008). Vitrail et modernité. Dans L. Borel (dir.) Émotion(s) en lumière, le vitrail à Genève (p. 98-141). Genève, Suisse : La Baconnière Arts.

Rudaz, P. (1998). Carouge, foyer d’art sacré, 1920-1945. Carouge, Suisse : Ville de Carouge.

Zumkeller, D. (2011, 6 octobre). Carouge (GE). Dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/002890/2011-10-06/